Une approche de l'informatique sans écran, telle que le propose COLORI, prend nécessairement position par rapport à l'écran. Qu'en est-il précisément ? Sont-ils à bannir totalement ? Comment amener l'enfant à faire le lien entre le monde réel et le monde virtuel ? Pour répondre à ces questions, je vous invite à découvrir une famille qui a choisi de s'épanouir différemment et qui a trouvé quelques réponses à la problématique de l'écran.
Grandir librement, sans école
Je viens de terminer le livre saisissant d’Eve Hermann, Grandir librement, Témoignage pour une enfance naturelle et créative.
Eve, tient un blog et un compte Instagram sur le quotidien de ses deux filles Liv et Emy, “deux petites filles libres d'école”.
En effet, Eve et son compagnon ont choisi de ne pas scolariser leurs filles et d’assurer leur instruction en famille. Son livre relate ce choix de manière très riche, en s’appuyant sur de nombreuses références.
Il donne à voir un quotidien épanouissant, calme, des apprentissages variés et pointus - mathématiques, français, histoire-géo, sciences naturelles - dans lesquels les filles se plongent volontiers, car elles les ont choisis.
La question de la socialisation se pose légitimement. Et bien les filles d’Eve n’ont aucun problème de cet ordre, elles font au contraire beaucoup de rencontres, choisies et non subies comme parfois à l’école.
J’ai ressenti beaucoup de générosité dans ce témoignage, et je me suis aisément figurée la douceur de ce quotidien.
Je ne suis personnellement pas prête à déscolariser mon enfant pour de nombreuses raisons mais je trouve ce choix admirable. Comme décrit dans ce récit, l’école a de nombreux travers. Le rythme naturel de l’enfant est entravé (devoir réveiller mon petit de 3 ans me fait toujours aussi mal au coeur), et il est troublant en tant que parents, d’en savoir si peu sur le quotidien de son enfant. À vrai dire, je trouverais juste que l’instruction en famille soit une option plus accessible, moins marginalisée. Il serait même profitable que le témoignage de ces familles puisse nourrir la société d’une autre vision de l’éducation.
Bref, j'ai beaucoup appris de cette lecture, et je suis convaincue que bien des aspects de cette éducation sans école pourraient alimenter l’école.
Quelle place pour les écrans ?
Je fais ce détour car c’est précisément la lecture de ce livre qui m’a poussée à reconsidérer cette question de l’écran. C'est aussi une façon de participer à mon niveau à la promotion de ce livre qui m’a beaucoup plu ;-).
Eve accorde plusieurs pages sur la question de l’écran et je me suis aperçue que moi-même n’ai jamais traité le sujet, alors qu’il est central dans l’approche COLORI.
L’approche SANS ÉCRAN en fait finalement un élément majeur.
Et d’ailleurs, le passage du livre sur les écrans commence par un constat important :
“La question des écrans est cruciale dans l’éducation actuelle, qu’en faisons-nous ? Quelle position adopter ? Combien de temps les autoriser ?”.
Eve prône une position mesurée, et invite à la fois à être vigilant sans non plus interdire totalement l’usage de l’écran. Car l’enfant n’est pas dupe, il nous voit utiliser cet outil et il serait incohérent de lui en interdire totalement l’usage.
Elle poursuit très justement :
“Il est essentiel de faire comprendre aux enfants que ce n’est pas l’ordinateur qui va concevoir les choses, nous sommes les créateurs, les décideurs, et l’ordinateur est juste un moyen de réaliser nos idées”.
Les écrans, quelques règles
Cette question de l’écran nous a beaucoup interrogé, mon mari et moi. Quand Jules était plus petit, nous avons clairement été trop permissifs sur le sujet. Après quelques lectures, nous avons rapidement fait machine arrière, plus conscients de la dangerosité d’une exposition trop importante. Nous avons instauré quelques règles dans la famille et utilisé quelques astuces que je vous partage ici. Elles sont donc adaptées à un enfant de 3 ans et demi. Avant 3 ans, le mieux est d’éviter totalement les écrans d’après les recommandations du psychiatre chercheur Serge Tisseron. Ces règles sont vouées à évoluer en fonction de l’âge de l’enfant. Je suis par exemple à l’aise avec l’idée que Jules s’initie au code sur écran vers 7 - 8 ans, de manière encadrée et mesurée. Je pense même que c’est une super bonne chose.
En attendant, voici donc notre fonctionnement actuel :
Temps d’écran limité.
Pas d’écran en semaine, 30 minutes le samedi et le dimanche, télévision et tablette confondus. Je mets bien souvent un minuteur pour être certaine de ne pas dépasser le temps fixé car on peut rapidement aller au-delà.
Des récits réels plus palpitants que ceux de l’écran.
Si Jules insiste en dehors de ces temps dédiés, son papa et moi proposons un véritable spectacle de doudous, dont l’intrigue le détourne souvent de sa demande.
Des temps d’écran partagés.
Jules et son papa regardent occasionnellement du sport ensemble, et observer les deux devant un match est tout simplement hilarant. Le papa est pris par le match, se lève, râle ou éclate de joie. Le fiston fait la même chose. L’ensemble offre des scènes de vie géniales. Les matchs sont commentés en amont, et après. Nous avons emprunté et acheté plusieurs livres sur le rugby et le foot pour bien comprendre les règles. Nous sommes allés voir plusieurs matchs au stade près de chez nous. Pour Jules, c’est tout simplement devenu une passion et dans ce contexte, l’écran ne me semble pas néfaste du tout.
Être exemplaire.
Point très compliqué à la maison car nous sommes tous les deux utilisateurs réguliers d’écrans. Outre le travail, mon mari lit beaucoup d’actualités sur son téléphone, qu’on se le dise, il lit l'Équipe :), et moi-même j’avoue passer du temps sur Instagram, Twitter, Facebook… J’ai conscience de tout cela et j’ai mis en place quelques techniques, comme poser le téléphone pour un temps déterminé et m’imposer de ne pas le consulter même si il vibre de toutes ses forces. Je ne prends plus mon téléphone dans la chambre non plus. Cela évite les errances intempestives au coucher et au levé.
Et COLORI, pour comprendre ce qu’il y a derrière l’écran
Et donc plus récemment, le lancement de COLORI, pour aller plus loin dans la compréhension de ces machines qui nous entourent et dont on sait peu de chose finalement.
Comme Eve Hermann, il me paraît essentiel que l'enfant prenne conscience que l'ordinateur ou le robot sont des outils, et qu'il est en mesure de le maîtriser et de créer grâce à lui.
COLORI vise à donner aux jeunes enfants ces réflexes sur le fonctionnement de la technologie, sans écran.
Car l'écran n'est qu'un support à des concepts informatiques qui peuvent être compris et maîtrisés indépendamment de la machine. Il me paraît sain que l'enfant s'en saisisse avant d'utiliser l'outil et de passer derrière l'écran.
Je vois COLORI comme une préparation à l'utilisation de ces outils. Car je sais qu'un jour ou l'autre, ces jeunes enfants se retrouveront derrière un écran. Mais j'espère qu'ils seront alors plus en maîtrise de ces outils, moins soumis à leur usage, davantage acteurs et créateurs.
La lecture de Sapiens : une brève histoire de l'humanité puis de Homo Deus, une brève histoire du futur, tout deux écrits par le brillant Yuval Noah Harari a grandement inspiré cette initiative.
Homo Deus est particulièrement glaçant par moment. Au terme d’un livre magnifique, qui dresse le portrait futur d’une société soumise aux algorithmes, dirigée par une élite devenue folle dans sa quête de super pouvoirs, plus inégalitaire que jamais, le livre conclut qu’il ne tient qu’à nous d’endiguer ce tsunami.
“L’essor de l’intelligence artificielle et des biotechnologies transformera certainement le monde mais il n’impose pas un seul résultat déterministe. Tous les scénarios esquissés dans ce livre doivent être compris comme des possibilités et non des prophéties. Certaines ne vous plaisent pas ? Libre à vous de penser et de vous conduire de façon à ce qu’elles ne se matérialisent pas.”
Parmi les nombreuses interviews de Yuval Noah Harari, je vous invite à écouter celle-ci, et encore plus à lire ses livres qui sont de véritables pépites.
COLORI est donc une réponse parmi beaucoup d’autres, aux dérives liées à cette course à toujours plus de technologie.
En somme, vivre aujourd'hui sans écran relève tout simplement de l'utopie et il serait même dangereux de ne pas permettre à nos enfants d'y accéder. Mais cet accès doit être réfléchi. Le parent doit accompagner l'enfant dans cet apprentissage, pour que l'adulte qu'il sera en fasse un usage sain et profitable.