Nous évoluons dans un monde où le numérique et nos modes de vie sont devenus inextricables, c’est un fait. Or, former les têtes pensantes de demain au code et à l'algorithmique sans écrans pourrait bien encourager un numérique aussi humain qu’il est innovant. Le manque d’attention chez les adultes se fait déjà ressentir, certaines entreprises tentent de remettre de la modération dans l’usage de nouvelles technologies au travail, par exemple en organisant des réunions marchées où les smartphones sont machina non grata. Et la réponse d’une meilleure utilisation des objets connectés était l’anticipation par la pédagogie Montessori ? L’idée n’est pas si improbable, lors de son intervention à la Product Owner School, Amélia Matar, notre co-fondatrice, a démontré comment Maria Montessori adoptait déjà la posture du product owner. Quel est le lien vous vous demandez ? Le product owner est responsable de la conception et du déploiement d’un produit (appli, site, service, etc). En somme, il s’occupe de la bonne conception, du concept jusqu’à la mise en disponibilité du produit sur le marché, et les modifications qui lui sont apportées pour l’améliorer. Au sein d’une équipe de travail suivant la méthode agile, il est la plaque tournante du projet. Bien souvent, c’est quelqu’un d’organisé et formé à l’approche scientifique. Cela dit, il doit aussi faire preuve d’une grande empathie pour mieux comprendre les besoins des utilisateurs et sait faire le lien avec des équipes souvent très techniques. Un poste multifacette qui mêle qualités humaines et compétences aiguës.
Depuis un siècle, l’esprit Montessori et les produits qui en découlent répondent pleinement aux besoins de millions d’utilisateurs dans le monde : les enfants. Et si Maria Montessori avait deviné le besoin d’insuffler de l’impact positif et une démarche plus empathique à l’innovation galopante de notre ère ? Déconstruction de la démarche de cette product owner avant l’heure.
Le mode agile se met à l’éducation
Partir d’une question et évaluer sa résolution
Le propre d’une méthode scientifique ? Formuler des hypothèses et les valider ou les réfuter à l’aide d’expériences. C’est précisément ainsi que procède Maria Montessori. Lors de sa première expérience de travail avec un groupe d’enfants défavorisés, elle inscrivit au certificat de fin d’études italien afin d’être en mesure de comparer leur niveau à celui d’un groupe d’enfants plus privilégiés, autrement dit : un échantillon de référence. Le succès de sa méthode, validé par la réussite des enfants à l’examen lui apporta une preuve irréfutable et l’encouragea à poursuivre son travail.
Aujourd’hui, cette manière de mesurer les progrès des enfants perdure : deux exemples soulignent l’efficacité prouvée de la méthode Montessori. La première, une récente étude américaine menée sur des élèves de lycée atteste que malgré les biais socio-démographiques, les élèves qui avaient suivi un programme en mathématiques et en sciences Montessori dès l’âge de trois ans, obtenaient des résultats significativement plus élevés dans ces matières. La deuxième occurrence vient du système français, la linguiste Céline Alvarez a mené une expérience des principes Montessori sur des élèves de trois ans d’une maternelle à Gennevilliers. L’évaluation menée quelques mois plus tard a révélé des progrès d’apprentissage fulgurants, notamment concernant la lecture : neuf des quinze enfants en moyenne section avaient commencé à lire.
Observer ses utilisateurs
Le rôle d’un product owner performant est de faire coller le produit aux besoins des utilisateurs. De ce fait, plus sa connaissance de sa cible est bonne, plus il ou elle sera à saura identifier les améliorations à apporter. C’est là que Maria Montessori excelle par l’importance qu’elle accorde à l’observation des enfants, informelle et formalisée. Ne laissant rien au hasard, elle a même créé une grille d’observation spécifique, destinée à guider les professeurs notamment en attribuant un objectif, à chaque phase d’observation.
Dans la classe Montessori, ce principe se traduit par la mise à disposition d'un siège pour l'éducateur, qui peut ainsi aisément observer les enfants. Exercer son sens de l’observation, c’est détecter et comprendre des choses que même les livres les plus exhaustifs ne peuvent contenir. Il en est de même pour les nouvelles technologies qui évoluent grâce à l’analyse de données collectées sur l’utilisation du produit (temps d’utilisation, progression à travers les niveaux, etc.) et des avis des utilisateurs. Par exemple, il suffit de consulter la section des commentaires dans l’App Store ou du Play Store pour se rendre compte du succès, ou des défauts, d’une application.
Connaître son utilisateur sur le bout des doigts
Au cours de son observation d’un grand nombre d’enfants, Maria Montessori identifie des invariants, c’est-à-dire des facteurs inchangés, quels que soient le contexte culturel et les origines sociales de l’enfant. Cela lui permet alors d’établir une offre qui parle au plus grand nombre et qui de surcroît dure dans le temps. Le succès à long terme de l’esprit Montessori, peut être attribué à la précocité de son analyse, qui a devancé le progrès de la pédagogie au 20ème siècle. Tout comme le succès d’un produit implique la capacité du product owner à détecter les tendances émergentes.
Longtemps avant l’essor des neurosciences, Montessori croit à la fameuse plasticité neuronale de l’enfant. En effet, ce dernier apprend quelle que soit la situation et l’environnement dans lequel il se trouve, qu’il aille à l’école ou pas.
Identifiant le besoin d’encouragement positif, Montessori intègre dans ses principes la construction d’un cadre bienveillant pour l’apprentissage de l’enfant. Chose confirmée aujourd’hui : le stress, qui génère la sécrétion de cortisol, bloque les connexions synaptiques utiles à l’apprentissage, dont le cerveau de l’enfant est spécialement bien équipé. Enfin, par l’observation, Montessori décrète que l’enfant écrit avant de lire, un fait aujourd’hui soutenu par les neurosciences. Inutile d’avoir une boule de cristal quand on a un bon sens de l’observation !
Sortir des sentiers battus
Connaître les règles pour mieux les contrecarrer, n’est-ce pas le propre de tout innovateur ? La réflexion critique figure parmi les qualités requises d’un product owner idéal. Pour affiner ses principes, Maria Montessori a su remettre en question la croyance populaire. Là où l’on supposait un temps de concentration très limité chez l’enfant, elle prévoit des plages de travail plus longues afin de lui permettre de s’exercer sans interruption sur l’activité de son choix. Autre idée reçue retournée par Montessori : les enfants n’aiment pas l’ordre. Or, dès un très jeune âge, le petit enfant apprécie et tire satisfaction d’un environnement physique ordonné et de la routine d’une journée ritualisée.
De plus, selon Montessori, l’enfant normalisé va faire preuve d’une grande discipline. Il est même capable de devenir le meilleur ambassadeur de la pédagogie, tout comme les early-adopters d’un produit, comme en atteste une anecdote racontée par Amélia Matar lors de son intervention. Un jour, l’ambassadeur d’Argentine qui souhaitait voir l’efficacité de la méthode Montessori par lui-même vint sans prévenir un jour de fermeture de l’école. Alors qu’il conversait avec le concierge, un enfant qui l’avait entendu proposa l’ouverture exceptionnelle de l’école. Après avoir rassemblé d’autres élèves du quartier, les enfants se mirent au travail sans adulte. De la même façon, un bon product owner sait transformer l’engouement des utilisateurs en promotion pour son produit.
Apprendre de ses prédécesseurs
Même si le rôle de product owner est synonyme d’innovation et nouvelle technologie, il s’appuie sur les progrès passés. De la même façon, dès ses débuts Maria Montessori se garde bien de réinventer la roue en étudiant assidûment les écrits à la fois philosophiques et scientifiques du Docteur Itard (connu pour son travail avec l’enfant sauvage Victor d’Aveyron au début du dix neuvième siècle) et du Docteur Seguin (traitement moral, hygiène et éducation des enfants déficients, sourds et muets). Tout comme Itard, Montessori comprend l’utilité d’outils d’apprentissage dédiés aux déficients sensoriels. Elle va même jusqu’à demander à un menuisier italien de reproduire le matériel développé par Seguin. Enfin, elle reproduit le système de leçon en trois temps de ce dernier, qui consiste à nommer, montrer et identifier l’environnement de l’enfant. La preuve que c’est dans des vieux pots qu’on fait les meilleures confitures, les écoles Montessori continuent d’appliquer cette méthode aujourd’hui.
Le mode test and learn appliqué à l’enfant
Maria Montessori a sans doute eu plus de fil à retordre qu’un product owner en 2019 : utilisateur exigeant et dénué de diplomatie, l’enfant rejette tout ce qui ne lui convient pas. Utilisant ce fait à son avantage, Montessori adopte une démarche scientifique pour étalonner et améliorer ses produits. Face à l’apprentissage de l’écriture, elle identifie les capacités motrices et la tenue d’un crayon, comme l’obstacle qui empêche l’enfant d’écrire plus tôt. Elle retire alors ce frein, en proposant un jeu de lettres aux enfants pour qu’ils puissent composer les mots sans avoir à maîtriser le geste calligraphique. C’est pendant la pratique de l’activité, que vint la notion d’ordre : les lettres se mélangeant dans un joyeux bazar troublaient l’enfant. C’est à ce moment là que Maria Montessori mis en place un casier pour ranger les exemplaires des lettres, une nouvelle fonctionnalité appréciée des enfants, sensibles à l’ordre comme nous le révélions plus haut.
Une UX aux petits oignons
L’utilisation du matériel Montessori aujourd’hui démontre l'efficacité dans la durée de l’approche test-and-learn, car un UX apprécié des utilisateurs est fédérateur. Chose essentielle quand on s’adresse à des enfants qui se découragent rapidement. Ainsi, l’expérience de l’objet ou de l’activité est essentielle à la méthode Montessori. La persévérance paye, les objets sont à la fois extrêmement sophistiqués et simples d’utilisation pour l’enfant, qui se les approprient rapidement.
Par exemple, le populaire puzzle de géographie, qui sert à manipuler des pièces sous forme de pays, comprend des boutons de préhension positionnés à l’emplacement même des capitales. Ce petit détail peut-être anodin, aide les enfants à se souvenir de l’emplacement des villes, même si leurs noms leur échapperont dans un premier temps.
Les attributs du matériel Montessori rappellent la notion de design système souvent avancée par les product owners :
Autocorrectif, pour que l’enfant puisse rectifier lui-même ses erreurs ;
Sensoriel, pour que l’apprentissage sollicite plusieurs sens ;
Le matériel se focalise sur une qualité, pour que l’enfant puisse la maîtriser ;
La couleur, la forme et le matériau, souvent du bois.
L’accessibilité par le partage de connaissances
Au fil des années, Maria Montessori écrit près de quatorze livres pour formaliser sa méthode éponyme. Conférencière très active, elle parcourt le monde et organise des formations pour diffuser les bonnes pratiques. Tout comme un product owner émérite, Montessori était passionnée par son sujet et nourrissait un réel désir de transmettre son savoir et porter sa pédagogie aux plus nombreux. Exilée en Inde pendant la Seconde Guerre Mondiale, elle se lie d’amitié avec Gandhi. En 1929, elle fonde l’Association Montessori internationale (AMI) pour promouvoir et protéger la pédagogie. Enfin, un décalogue Montessori voit le jour pour asseoir les fondamentaux de la pédagogie Montessori desquels les formateurs ne peuvent déroger.
L’éducation, le produit idéal pour changer le monde
Aujourd’hui on compte plus de 20 000 écoles Montessori dans le monde et son héritage continue d’être au coeur des débats liés à l’éducation. Certains pionniers du monde du numérique comme Jeff Bezos, Larry Page et Serguey Brin ont même bénéficié d’une éducation Montessori. Cette capacité à questionner le monde autour d’eux, et d’y apporter des solutions brillantes, est incontestablement un produit des fondamentaux Montessori. Bien plus qu’une approche à l’efficacité prouvée, la méthode Montessori apporte aux enfants, et aussi aux adultes de demain, des outils pour la vie.
Nous le savons aujourd’hui, nous ne cessons jamais d’apprendre et Montessori donne un avantage de taille à ses élèves. Face au monde complexe dans lequel nous baignons et ses multiples défis, l’esprit Montessori ne peut que soutenir la démarche de ceux qui souhaitent le changer. Comme son initiatrice, il produit des product owners à l’intelligence fine et empathique, qui ne manqueront pas de créer des produits qui contribueront à soigner ce monde en crise.
Article de Maï Trébuil.
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