Bilan des premières Assises des Maternelles

Assise ce matin dans ce grand amphithéâtre du CNAM, entre une ATSEM et un éminent chercheur, je me sens chanceuse. Chanceuse de pouvoir participer à deux jours d’échanges et de débats sur ce que doit être l’école maternelle de demain avec ceux qui font celle d’aujourd’hui, chanceuse de pouvoir être partie prenante dans ce grand laboratoire qui ouvre ses portes pour la première fois.

Tout le monde se lève et fait silence, le ministre de l’éducation va s’exprimer.

Jean-Michel Blanquer choisit soigneusement ses mots en ouvrant les assises des Maternelles avec une citation de Marie Carpentier, fondatrice de l’école maternelle en 1848 :

«  Aimez par-dessus tout et en particulier chacun des enfants confiés à vos soins ».

Une ouverture prometteuse qui plonge l’assemblée dans le vif du sujet : s’il s’agit de faire le point sur la place de l'école maternelle dans notre système éducatif, cognition et émotion doivent être liés.

Cette idée est reprise par le Président de la République, qui définit l’école maternelle comme un lieu de vie égalitaire et bienveillant, où l’enfant se construit dans et par le savoir. Il insiste pour cela sur le développement du langage et sur l’égalité des chances, à un âge ou l’apprentissage joue sur la réussite de toute la scolarité.

Selon le président, l’école maternelle est effectivement le terreau du système scolaire. Il termine son intervention en décrétant l’instruction obligatoire dès 3 ans dès septembre 2019, sous les applaudissements nourris de l’auditoire.

Bienveillance, langage, réduction des inégalités, voici un programme qui me réjouit tant il fait écho aux préoccupations de Colori.

C’est parti pour deux jours de débats et d’analyse, nourris par les intervenants spécialistes de la recherche et de l’éducation, sous le regard de Boris Cyrulnik, neuro-psychiatre et psychanalyste, mandaté comme chef d’orchestre par le ministre de l’éducation.

Premiers échanges sur la valeur de l’instruction, ou Francis Eustache nous apprend que mémoriser les évènements de la journée passée est impossible pour un enfant âgé de 3 à 5 ans, mais que c’est la période la plus propice au développement du langage.

Ghislaine Lambertz Dehaene montre en effet par diverses expériences que les enfants développent depuis leur naissance une sensibilité aux sons et aux mots, et une capacité à coder et décoder les jeux rythmiques de la musique.

Malheureusement, à l’âge de 3 ans les enfants sont inégaux face à l’acquisition du langage, conséquence directe de l’environnement dans lequel ils sont nés et ont grandi (un enfant de 4 ans issu d’un milieu favorisé connaît 30 millions de mots en plus qu’un enfant issu d’un milieu défavorisé).

On apprend également que c’est un moment de vie ou l’enfant est très sensible à la connivence affective de l’environnement et au comportement de ses pairs, grâce à l’étude d’Agnès Pommier de Santi.

C’est donc là que l’enseignement doit jouer un rôle à part entière, en favorisant le développement du langage, grâce à une relation positive avec l’enseignant, définie par le contact visuel, une attitude empathique et une écoute sensible. L’enjeu ?  Créer un climat de sécurité propice à la stimulation intellectuelle, à l’exploration et l’autonomie, comme l’affirme Anne Marie Fontaine, suite à de nombreuses expériences menées en classe.

C’est par ailleurs prouvé : une étude américaine, ABECEDARIAN, démontre qu’une intervention précoce sur le langage chez l’enfant change ses prédispositions scolaires, quel que soit son milieu.

Alors chez Colori, nous nous posons la question.  

Boris Cyrulnik soutenait au début des Assises l’idée que l’école maternelle n’est pas un problème d’institution mais un problème de société, dès lors qu’elle est pour l’enfant le prolongement du foyer. Il affirme que le foyer a beaucoup évolué au 21ème siècle. Une répartition des tâches plus égalitaire dans le couple, deux parents qui travaillent, l’omniprésence du numérique façonnent les enfants d’aujourd’hui auxquels l’école maternelle doit s’adapter.

Si le langage est le point d’ancrage de l’apprentissage et facteur clé de l’égalité des chances, à une période de la vie ou l’enfant est réceptif aux nouveaux apprentissages, n’est-ce pas le moment idéal pour introduire le langage informatique auprès d’enfants qui vivent et grandissent dans un monde numérique ?

Dans cette perspective, je sors ravie de ces 2 jours d’immersion dans le système scolaire, qui porte haut les valeurs qui nous touchent et soulèvent les enjeux qui nous semblent prioritaires.

Rendez-vous donc l’an prochain, ou j’espère que pour le bilan de cette année écoulée, la part belle sera faite aux apprentissages numériques dans les écoles maternelles, pour aider les enfants à devenir acteurs du monde de demain.

En tout cas, j’y serai…

 

Perrine, pour Colori